Le "Right to be Wrong"
Et si on laissait vraiment nos élèves se tromper ? L’erreur en cours d’anglais, c’est le grand tabou. On l’accepte, bien sûr, sans problème car nous sommes là pour les aider à progresser. Mais combien d’élèves hésitent encore à lever la main par peur de mal dire ? Combien se réfugient dans le silence plutôt que de prendre le risque d’être corrigés ? Certains même préfèrent rendre copie blanche plutôt que d’essayer. Et si, plutôt que de sanctionner l’erreur, on la mettait au centre de nos pratiques pédagogiques ? C’est là tout le principe du « Right to be Wrong » : considérer l’erreur comme un passage obligé de l’apprentissage et non comme une faute à éviter à tout prix. Et si nos élèves osaient davantage ? Et si nous leur donnions vraiment le droit de se tromper ?
Pourquoi adopter le "Right to be Wrong" ?
Parce que l’erreur est un signe d’apprentissage actif
Tout d’abord, les neurosciences sont formelles : un cerveau qui se trompe est un cerveau qui apprend. Un élève qui fait une erreur, c’est un élève qui expérimente, qui teste ses hypothèses. À l’inverse, une classe trop « parfaite », où les élèves ne prennent jamais la parole sans être sûrs d’eux, est souvent une classe où l’apprentissage est figé.
Parce que parler anglais, c'est communiquer
Ensuite, l’anglais est avant tout une langue de communication. Dans la vraie vie, on ne passe pas un oral noté avant d’acheter un billet de train ou de commander un café. Il faut oser, quitte à faire des fautes. Nos élèves doivent comprendre que se faire comprendre est plus important que la perfection grammaticale.
Parce que lever la peur de l’erreur booste la confiance et la motivation
Enfin, quand on transforme l’erreur en opportunité plutôt qu’en sanction, la prise de parole devient plus naturelle. L’élève hésitant se risque à formuler une phrase, celui qui bafouille ose reformuler, celui qui ne parlait jamais se lance enfin.
Moralité ? L’erreur n’est pas un obstacle, c’est un tremplin.
Comment instaurer un climat où l’erreur est acceptée ?
Dédramatiser l’erreur dès le premier cours
En début d’année, pourquoi ne pas lancer une discussion sur l’apprentissage des langues ? Posez des questions ouvertes :
- Est-ce que vous trouvez ça facile d’apprendre une langue ?
- Pourquoi hésite-t-on à parler anglais ?
- Pensez-vous que les Anglais parlent français parfaitement ?
- Faites-vous des erreurs en français ? Cela veut-il dire que vous ne pouvez/savez pas vous exprimer en français ?
Ensuite, mettez les choses au clair : Oui, tout le monde va faire des erreurs. Et oui, c’est normal. D’ailleurs, c’est même encouragé ! Enfin, lorsqu’un élève commet une erreur, au lieu de corriger immédiatement, entraînez-vous à dire : « Good try! Who can help improve this sentence? » ou bien That’s interesting! Can you reformulate? ».
Valoriser l’effort plutôt que la perfection
De plus, il est intéressant de changer les critères de réussite. Car, en classe, les élèves sont souvent évalués sur ce qu’ils savent déjà. Mais pourquoi ne pas récompenser ce qu’ils osent tenter ? Voici quelques stratégies testées et approuvées. D’une part, si vous notez la participation orale, introduisez une échelle de progression (« J’ai essayé », « J’ai parlé plus que d’habitude », « J’ai utilisé un nouveau mot », etc.) voire un barème de participation positive en donnant des points pour l’audace, même si la phrase est incorrecte. « Tu as osé ? Tu as essayé ? Alors c’est gagné ! » Et n’oubliez pas qu’on apprend mieux de ses pairs. J’ai toujours essayé de créer une culture du feedback positif. Ainsi, on avait dans ma classe une chaîne de compliments linguistiques après une prise de parole ; lorsqu’un élève fait une présentation à l’oral, les autres doivent trouver un aspect positif avant toute correction.
Travailler sur l’auto-correction et la reformulation
En outre, on le sait, rendre les élèves acteurs de leurs propres progrès est un des leviers de motivation et de réussite. Si on corrige tout à leur place, ils n’apprennent pas. L’objectif, c’est qu’ils repèrent eux-mêmes leurs erreurs et qu’ils sachent les améliorer. Une première technique est le « réflexe d’écoute ». Quand un élève se trompe, plutôt que de le corriger immédiatement, posez-lui une question : « Écoute ta phrase… Est-ce que ça sonne juste ? », « Essaie de le dire autrement. » On peut aussi le faire avec un temps de réflexion. Après une activité orale, les élèves notent trois erreurs qu’ils pensent avoir faites et les corrigent eux-mêmes avant de partager. Enfin, toujours grâce aux pairs, on peut organiser des binomes de préparation et passage à l’oral. Deux élèves travaillent ensemble : l’un parle, l’autre note seulement les erreurs (sans corriger). Ensuite, ils essaient de les comprendre ensemble. C’est d’ailleurs une activité que vous faites sans doute déjà : les faire jouer aux détectives des erreurs. Donnez-leur des phrases avec des fautes fréquentes et demandez-leur de les corriger en équipe.
Utiliser l’humour et le jeu pour dédramatiser
Si vous me suivez depuis longtemps, vous savez que j’aime beaucoup le second degré et l’humour. Et si les élèves y sont habitués (et que vous leur expliquez bien ce que c’est), ils l’acceptent et s’en emparent bien vite. L’idée est donc de rire de nos erreurs (donc y compris les nôtres), plutôt que d’en avoir peur. Car lorsqu’on se moque gentiment de nos propres erreurs, on crée une ambiance plus détendue ! Une idée essayée au cours de ma carrière (en fonction du public aussi et de l’ambiance de classe) est le « bêtisier linguistique » avec les erreurs les plus drôles de la semaine.
Transformer l’erreur en opportunité
Si tout le monde fait des erreurs, autant en faire un défi de classe plutôt qu’une source de stress. Ainsi, on pourra travailler sur ce que l’erreur apporte à nos élèves. A la fin d’un cours, demandez à chaque élève (sur un post-it par exemple) : « Quelle est l’erreur que tu as faite aujourd’hui et que tu ne referas plus ? » Et n’hésitez pas à en faire un mur des erreurs utiles : à chaque erreur, on note ce qu’on en a appris !
Quatre freebies à télécharger
Dans la newsletter de mars, retrouvez : un poster sur le « Right to be Wrong » et le traitement de l’erreur ou de l’échec, une liste d’expressions à utiliser pour une correction constructive, une séquence complète sur Famous Failures et une séance de grammaire en contexte sur la modalité appliquée à la thématique.
Conclusion
En résumé : osons l’erreur ! Mettons-la en valeur d’ailleurs ! Le Right to be Wrong en classe d’anglais, ce n’est pas un simple slogan. C’est une philosophie de classe qui aide les élèves à :
Oser parler sans peur
Apprendre de leurs erreurs
Construire leur confiance en eux
L’erreur ne doit pas être évitée, mais encouragée. Après tout, nos élèves sont en train d’apprendre, on ne leur demande pas d’être bilingues du jour au lendemain. Dans ma classe, tous les travaux des élèves lors d’une tâche finale sont affichés. Les bons, jolis, parfaits et les moins parfaits. Tous. Les erreurs sont soulignées au crayon de papier, non corrigées. Bien sûr, ils ont une version corrigée dans leur cahier. Pourquoi ? Parce qu’on apprend aussi des erreurs des autres ! Discours que j’ai tenu (sans grand succès) à mon inspectrice. Et vous, quelles stratégies utilisez-vous pour encourager la prise de risque ?
7 commentaires
Merci pour tous ces conseils ! Je me suis abonnée à la newsletter récemment. Je vais conseiller à mes stagiaires de consulter tous les conseils donnés sur le site ( construire une séquence, les stratégies pour les compétences langagières etc…. ). Moi, je suis au lycée mais il est toujours agréable de vous lire.
Bonjour Estelle, merci beaucoup pour ce post qui me fait vraiment réfléchir et me donne des idées pour « décoincer » mes élèves face à l’erreur. De façon générale, merci pour tout ce que vous écrivez et partagez, cela me permet de me renouveler dans ma façon d’enseigner.
Bonjour Estelle et merci pour ce post. Depuis de nombreuses années maintenant j’explique en effet à mes élèves que c’est bien de se tromper et qu’il faut se tromper pour progresser. Malheureusement cela ne marche pas avec tous les élèves, mais je ne lâche rien et continue à prôner l’apprentissage par l’erreur. Et votre post m’encourage à cela. Merci!
Merci pour l’article. J’ai un assez fort accent quand je parle français, et je l’évoque au début de l’année quand les élèves disent qu’ils n’osent pas parler de peur d’avoir un « mauvais » accent »! Je leur pose la question: Est-ce que j’ai un accent? Est-ce que je fais parfois des erreurs? Est-ce que vous me comprenez? Donc est-ce que c’est fatal que j’ai un accent, ou que j’ai fait des fautes? Comme cela, je crois que je le dédramatise un petit peu.
Merci pour votre post. Cela fait plaisir de lire ce que vous avez écrit ! Je souscris à tout ce que vous avez écrit mais j’estime que la tâche est ardue. Je trouve qu’il est très difficile de faire changer l’attitude des élèves car ils ne sont pas habitués à la « culture du feed-back positif ». Comme vous l’écrivez très justement, ils n’osent pas.
Avec un groupe classe très « bloqué » au niveau de la participation orale, j’ai essayé une petite saynète de théâtre (SHREK). Ils sont eu chacun un petit rôle et ont été obligés de se lancer à l’oral. En fin de compte, ils ont relevé le défi. Ils savaient tous leur texte et ont fait l’effort pour la prononciation. Je vais m’en servir comme levier.
Pour l’écrit, c’est pareil ! Je maudis chaque jour, et souhaiterais interdire, les stylos effaçables ! On écrit, on efface, on écrit, on efface … à la fin, il n’y a rien qu’un trou dans la feuille et aucune erreur qui permettrait de progresser …
Bonjour Estelle, j’utilise Classe Dojo pour valoriser les prises de risques lors des rituels de début de cours , pendant le cours ou lors des travaux de groupes. Il est possible de créer ses compétences telles que : persévérance, prise de risque , a su corriger ses erreurs et d’y attribuer le nombre de points qu’on veut. Cela me permet de mettre une note d’investissement en fin de semestre ou pour une tâche finale.
Ouah cest une super idée ! Tes élèves doivent adorer !