Mrs Recht's Classroom

Séquences et ressources pédagogiques pour enseigner l’anglais au collège.

L’ancrage culturel au collège

Ancrage culturel
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Table des matières

Qu’entend-on par ancrage culturel ? Que veut notre inspection ? Et comment le conjuguer avec ce dont nos élèves ont besoin ? Je vous propose d’en discuter ensemble.

Ancrage culturel

Avant-propos

Avant de partager mes réflexions avec vous, je souhaite tout d’abord souligner que cet article ne sera pas forcément apprécié de l’inspection. Je ne pense pas avoir la même “définition” de ce qui est acceptable comme objectif culturel que nos inspecteurs … Pourquoi ? Parce qu’on nous demande toujours des choses compliquées, volontairement spécifiques en langues et que le quotidien nous amène parfois à faire autrement. Vous êtes prévenus, ces astuces n’engagent que moi.

Qu'entend-on par ancrage culturel ?

Pour définir l’ancrage culturel, j’aime particulièrement ce document de l’académie de Versailles. Il est concis, clair et surtout il n’est pas culpabilisant. En revanche il donne peu de pistes concrètes.

5 points clés

Voici les points clés qui définissent l’ancrage culturel selon ce document.

  • Privilégier la découverte de la culture spécifiquement associée à la langue étudiée.
  • Travailler les compétences culturelles pour « découvrir les aspects culturels d’une langue vivante étrangère et régionale » de façon évolutive.
  • Construire une représentation des pays étudiés éloignée des clichés et des représentations figées.
  • Elargir le champ des expériences aux réalités d’autres pays
  • Construire un parcours culturel d’apprentissage

Les points évidents

Lorsque j’écris que “ma” définition n’est peut-être pas celle de l’inspection, j’entends tout de même par ancrage culturel 4 des 5 points ci-dessus. Je crois qu’on y va petit à petit. Et qu’on déconstruit les stéréotypes au fur et à mesure. Je pense également qu’on se confronte aux façons de faire des autres pays. Enfin, je sais que cet apprentissage se pense que l’ensemble du cycle (et au collège sur  cycles).

Le point flou

Mais c’est le côté spécifique qui m’a toujours chagrinée. Je sais que ce n’est pas très politiquement correct de le dire. Mais je reçois tellement de message de professeurs passionnés par leur travail, désireux de faire des séquences topissimes et qui, au dernier moment, sont pris d’un doute affreux. Le réchauffement climatique, c’est culturel ? Parce que ce n’est pas spécifique à un pays ! Et les armes aux Etats-Unis, ce n’est pas trop cliché ? Et qu’en est-il des romans policiers ?! 

Comment assurer l'ancrage culturel ?

Alors pour ancrer mes séquences sur le plan culturel, je me pose plusieurs questions clés :

  • ce problème global concerne-t-il un pays anglophone en particulier ?
  • à quel pays vais-je la rattacher ?
  • est-ce adapté à l’âge des élèves ?
  • comment dépasser le cliché ? (pour les plus grands)
Mais surtout, je l’ancre dans le temps. Pour trouver l’inspiration je regarde les événements célébrés sur le mois en cours. Que ce soit les fêtes calendaires, les naissances/décès de personnages célèbres et notamment les auteurs, les événements qui fêtent leur “anniversaire” ce mois-ci. 

Cela m’aide notamment pour scénariser mes séquences autour d’un objectif culturel.

Ancrage culturel - calendrier de novembre
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Un exemple concret en 6e

Ainsi j’aime traiter de Thanksgiving en 6e. Mais je me refuse à le traiter sur le plan historique. Pour deux raisons principales. En novembre, mes élèves de 6e commencent à peine à parler au présent. Donc, rien au passé. De plus, les controverses autour des célébrations de Thanksgiving sont très loin des capacités langagières (et sociales) de mes élèves de 6e. Donc, je traite Thanksgiving sous forme de “conju’poésie”. On y exprime pourquoi on est “thankful”. Est-ce culturel ? Oui, tous les américains et canadiens le font. Est-ce spécifiques à la sphère anglophone ? Non. Est-ce un problème ? Pas vraiment je pense.

Mais je pourrais aussi coller une séquence “Secret Life of Pets” ce mois-là ! Puisque Novembre est “Adopt a Senior Pet Month”, je peux créer une séquence sur les animaux domestiques, regarder ce que fait la RSPCA au Royaume-Uni ou l’ASPCA aux Etats-Unis ! 

Un exemple concret en 5e

En 5e, en novembre, j’aborde Guy Fawkes. Et c’est notre premier pas vers le prétérit simple. Est-ce culturel ? Oui évidemment, cela ne concerne qu’un pays anglophone. Est-ce adapté à l’âge des élèves ? Oui, et non. On passe rapidement sur la sentence qu’il a reçue. A-t-on dépassé le cliché ? Disons qu’on reste quand même sur les gentils et les méchants, les catholiques et les protestants … mais j’essaie toujours de rattacher cela ensuite à la conquête des Etats-Unis … Et faire un lien avec le Mayflower Compact ?!

Mais je pourrais aussi intégrer une séquence “At the museum” autour du MOMA puisqu’il a ouvert en novembre. En sélectionnant des tableaux d’artistes anglophones à décrire par exemple. Et enfin pouvoir faire quelque chose de pratique comme demander son chemin ou de l’aide dans un lieu public.

Un exemple concret en 4e

S’il y a un sujet que j’aimais traiter en 4e – lorsque j’en avais – c’était la nourriture. J’ai essayé de le faire sous plein d’angles différents. Les repas de Thanskgiving notamment, mais aussi les Food Trucks de New York dans Piece of Cake 4e. Et aussi l’opposition Junk Food VS Healthy Food. Et là, évidemment, la question surgit. Est-ce culturel ? Comment dépasser les clichés notamment liés aux USA ? Pendant longtemps j’ai traité le sujet grâce à Jamie Oliver. En ancrant donc la séquence culturellement au Royaume-Uni. Mais cette année, grâce à une commande sur mesure, j’ai changé d’angle. Pour montrer que ce problème est certes global mais qu’il est traité différemment. Cette fois, les élèves de 4e verront comment on traite le problème en Australie. Et notamment dans les écoles. Pour rester dans la sphère de l’élève. Et histoire de parler de lunchbox aussi. D’ailleurs en novembre on fête Healthy Eating Day aux Etats-Unis juste avant World Sandwich Day. Donc, c’est culturel !

Je termine souvent le mois avec un clin d’oeil au repas de Thanksgiving vu par Rockwell.

Un exemple concret en 3e

Enfin, pour le mois de novembre j’alterne entre deux séquences à visée culturelle. Soit je travaille sur la première guerre mondiale – et dans ce cas je ne fais pas la séquence sur Rosie the Riveter et sur le Blitz plus tard dans l’année – soit j’aborde le harcèlement. En quoi est-ce culturel ?! La journée internationale de lutte contre le harcèlement est le 18 novembre donc on peut comparer comment les différents pays s’y prennent pour lutter contre le harcèlement. J’étudie notamment une nouvelle écrite par un auteur américain. Et puis on fête aussi la journée internationale de la gentillesse. On pourra m’opposer que ce n’est pas spécifique à la sphère anglophone. Et pour cause ! C’est devenu un problème mondial ! Puisqu’on nous demande également de travailler sur les parcours, on doit aussi faire en langues des séquences qui visent à construire ces parcours. Je l’ancre culturellement aux USA. Mais on peut aussi notamment voir comment on le traite au Canada !

Comment se détacher de l'objectif culturel ?

Inspecteur, si tu me lis, peut-être ce paragraphe n’est-il pas “inspecteur-friendly”. D’avance, pardon.

Le problème majeur

Ce qui me pose problème dans l’ancrage culturel obligatoire est souvent le côté très éloigné des besoins – langagiers mais pas que – de nos élèves. Et du travail collossal que cela nous demande pour une plus-value somme toute discutable.

Laissez-moi développer. Nos élèves de 6e ont besoin d’évoquer leur routine quotidienne. C’est important pour les conversations pratico-pratiques qu’ils pourront mener à l’avenir. Ou bien évoquer leurs goûts. Et leur famille. Alors évidemment, on met les petits plats dans les grands pour créer une jolie séquence sur la routine d’un élève dans des pays anglophones variés. On monte une séquence Britain’s gos talent ! Ou on travaille sur la famille royale. Mais, et c’est le problème que l’on rencontre aujourd’hui, on noie le poisson. Les élèves ne s’intéressent QUE à l’objectif culturel. La langue passe au second plan.

Dites-moi que vous n’avez pas déjà passé un mois sur une séquence géniale sur la ségrégation aux Etats-Unis. Séquence que les élèves ont apprécié. Car ils ont posé de nombreuses questions. Et lorsque vient le temps de la tâche finale, c’est creux. Vide. Sans intérêt. Pourtant ils auraient des choses à dire. Mais l’objectif culturel a écrasé les objectifs linguistiques.

Mon point de vue

Alors, je suis prof de langue avant tout. Et je suis prof avant tout. Si mon établissement a un projet harcèlement ou gentillesse, je m’y raccroche. Si ma séquence n’est pas très culturelle mais que les élèves aiment les documents fournis, cela me convient aussi. Sur la routine quotidienne, par exemple, j’aime faire la routine des héros et héroïnes de Disney. Ce n’est sans doute pas tout à fait culturel. Mais ils adorent. Et surtout il en reste quelque chose sur la langue ! Car je suis prof de langue.

Et si le mois de novembre est le Climat Change Awareness Month, je peux faire une séquence sur l’environnement ! Mais je n’y suis pas obligée. Et je lis tellement de témoignages, et d’emails, qui me demandent si Star Wars, les mangas, la mode, jobs … c’est culturel ? Comme j’aimerais que l’on cesse de nous mettre tant de bâtons dans les roues. Si nos élèves ne sont pas “bons” en anglais, est-ce notre faute ? Nous donne-t-on les moyens de bien faire ?

J’aimerais “avoir le droit” de faire plus souvent des petits dialogues qui ne sont pas forcément ultra-culturels, qui ne permettent pas de dépasser les stéréotypes, qui n’apportent pas des connaissances culturelles mais qui seront utiles à mes élèves. Non pas que je ne le fasse pas. Mais ce n’est pas ce qu’on me demande.

Plusieurs exemples concrets en segpa

Récemment, j’ai d’ailleurs rédigé un article sur le fameux objectif culturel avec les élèves de Segpa. Car là aussi, on est loin de leurs besoins langagiers.

4 commentaires

  • Amandine L. dit :

    👏👏👏 et merci! Je me suis très souvent torturé l’esprit sur la problématique culturelle de mes séquences et partage complètement votre avis.

  • Sarah dit :

    C’est très intéressant. J’enseigne en Espagne en freelance, j’ai donc une partie de mes élèves en tutoring et je constate que le culturel se résume à une worksheet (une!) lors de certaines fêtes calendaires et basta. Dans le meilleur des cas. Il y a bien quelques mentions relatives à la culture dans les programmes mais c’est très très succint. Il y a notamment cet objectif : “parler de SA culture dans une langue étrangère”. Comment celá se traduit-il? De la grammaire jusqu’à l’overdose, des topics tous plus ennuyeux les uns que les autres, et une méconnaissance complète des cultures anglophones. Ayant été formée à la française, ça me désole. Je me lâche avec mes élèves en perfectionnement, du coup. Je m’éclate, et eux aussi. Et ça marche!!

    • Mrs Recht's Classroom dit :

      En effet c’est intéressant de voir que le CECRL est interprété différemment dans d’autres pays européens. J’adore l’objectif culturel et je trouve passionant, pour les élèves comme pour le prof, de construire des séquences qui dépassent l’anecdote. Mais c’est comme tout. Il faut savoir garder la mesure. Je trouve que, souvent, en France, on oublie que la langue est un tout. Un peu de culture, un peu de lexique, un peu de grammaire, un peu de phonologie, un peu de méthodo … Et que tout faire est souvent difficile voire chronophage. Il y a quand même un monde entre 1 worksheet pour certaines fêtes calendaires et chaque document de chaque séquence de toute l’année de chaque niveau ancré culturellement et scénarisé en actionnel. Enfin, je trouve. Mais je l’ai dit, c’est sans doute polémique.

      • Sarah dit :

        Tout faire dans le respect des programmes à la lettre me semble effectivement chronophage et peut être illusoire, il y a forcément un moment de la séquence qui va être un peu “cheveu sur la soupe”, tant pis du moment que c’est acquis. Enfin je dis ça depuis ma position de freelance qui fait ce qu’elle veut ;). Mais étant moi aussi passionnée par le culturel je me sens très frustrée lorsque je ne trouve pas le lien culture-langue.

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