C’est enfin la fin de l’année 2019-2020. Et on l’aura attendue. Plus que d’habitude. Éprouvante, difficile, fatigante et surtout inédite, cette année scolaire aura été sans nulle doute une année mémorable (et pas forcément dans le bon sens du terme).

C’est évidemment un bilan de fin d’année en demi-teinte, mitigé comme on l’écrirait sur un bulletin. Car ce bilan de fin d’année a un goût amer d’inachevé, de déception et d’inquiétude généralisée. Ce matin, en attaquant la rédaction de cet article, rédaction que j’ai bêtement repoussée au dernier moment, les idées se bousculaient dans mon esprit. Tantôt positive car de très belles choses ont été vécues malgré tout cette année, tantôt négative parce que la frustration est là et bien là, je ne savais sur quel ton écrire. Une fois de plus, j’ai choisi d’être la plus honnête possible avec vous.
Le positif
Comme toujours chez nous, le positif l’emporte. Nous y tenons. On n’avance pas à reculons, ni avec un poids énorme sur les épaules. Alors pêle-mêle, cette année nous aura donné :
- du temps avec nos enfants pour vraiment les voir grandir et progresser,
- également du temps ensemble pour mener à bien des projets pour la maison, pour le jardin,
- l’occasion de profiter des choses simples qui nous échappent dans le tourbillon de la vie,
- et l’envie d’être encore plus écolos et respectueux de notre environnement,
- le courage de faire de nouvelles choses et d’apprendre de nouvelles compétences,
- la possibilité d’être encore plus proche de vous aussi,
- mais aussi l’opportunité de nouer de nouvelles relations.
Les bémols
A la maison
Organiser l’école à la maison avec notre jolie smala a évidemment eu son lot de désagréments mais nous retenons les progrès fulgurants en fluence de notre fils en CP, les trésors d’autonomie développés par notre fille pour travailler au quotidien, l’évolution flagrante de notre adolescent qui a souvent pris en charge le plus petit (qui lui a développé un langage proche d’un élève de primaire !).
Pour Eric
Mener tout de front et pour Eric prendre des fonctions “politiques” au niveau local aura aussi nécessité des ajustements, mais cette fin d’année rocambolesque nous aura prouvé que notre famille sait traverser des moments difficiles en restant unie et efficace.
Au boulot
Sur le plan professionnel, le positif tient surtout dans les nouvelles relations créées avec les élèves et leurs parents, et aussi à des progrès surprenants chez certains élèves. Le confinement, l’éloignement du professeur aura créé chez certains un véritable déclic et révélé un vrai besoin de relations avec le professeur. Notre direction, un binôme de choc, a su gérer tout cela de mains de maître et la vie scolaire a une fois de plus été au top. Ce qui m’a permis de reprendre “plus” sereine le 22 juin. Pour autant, c’est avec angoisse que j’ai traversé ces deux dernières semaines et j’appréhende déjà le retour en septembre.
Le négatif
De la peur
Bien sûr cette période n’a rien d’idyllique. Je ne me voile pas la face. Nos enfants ont aussi souffert de ne pas voir leurs amis. Nous avons été très éprouvés car, étant vulnérable, j’ai “forcé” ma famille à être encore plus vigilante. C’est difficile de l’être en tant qu’adulte. Mes enfants ont été plus respectueux des protocoles que la majorité des adultes dans les supermarchés. Mes parents l’ont mal vécu aussi – coupés de nous à nous voir nous débattre à tout gérer sans pouvoir nous apporter leur aide. Mon frère en plein cluster, vulnérable lui aussi, et intermittent du spectacle a cumulé les difficultés. Nous avons eu notre lot de déconvenues, de crises de larmes et de gros coups de blues.
Du trop plein
Et parfois le négatif l’a emporté. “Je me noie” aura été ma phrase du confinement devant mon écran. C’était vraiment ce que je ressentais. Un poids tel sur la tête et sur les épaules, si peu de temps pour reprendre mon souffle et penser. Une apnée de plusieurs mois. Nous avons vraiment été présent – n’en déplaise aux médisants – mais avec l’impression de ne jamais en faire assez pour palier aux manques causés par cette situation. C’est une fois de plus Eric qui m’aura sorti de mon “désespoir” devant l’ampleur de la tâche. Il aura trouvé des solutions techniques pour m’aider à corriger sur l’écran, réorganisé la maison pour dégager du temps pour chacun, développé des trésors de patience pour nous porter tous à bout de bras. Et il aura une fois de plus eu les mots justes. “Les profs ne peuvent pas passer leur temps à combler les manques des institutions, du ministère, des parents, et de la vie en général.”
De la désillusion
Le plus dur je le crois aura été d’enseigner sans rien partager. On m’aurait demandé il y a encore quelques mois en quoi consistait mon métier, j’aurais sans doute dit “transmettre un savoir”. Finalement transmettre n’est pas la clé de notre métier. Car nous avons transmis un nombre incalculable de documents, donné des exercices, fait cours dans des conditions réinventées chaque jour. Nous avons essayé, tenté, raté, réessayé encore d’enseigner derrière un écran. Mais, nous avons surtout échoué à être fier de nous. Nous avons tous perdu le goût, l’espoir, l’envie devant l’ampleur de la tâche.
Enfin, le lynchage généralisé qui nous frappe depuis plusieurs semaines associé à de nouvelles lubies politiques auront parfois eu raison de ma joie de vivre. Révoltés nous sommes, et nous avons besoin de faire redescendre la pression.
L'espoir
L’an prochain sera plus calme – j’ai demandé et obtenu le droit de ne travailler que 15h par semaine devant élèves. L’occasion de ralentir et de mener d’autres projets, notamment dans la formation et l’écriture. L’année prochaine sera plus libre car notre petit dernier entre à l’école et nous avons espoir qu’il puisse profiter d’une année “normale”. La rentrée à venir est pleine d’incertitudes mais aussi d’espoir avec des nouveaux projets – enseigner en LCE en 5e et aussi en 3e, aider un stagiaire, accueillir un nouveau collègue … Et puis il y a les projets d’Eric au sein de notre commune. Et puis le projet Etwinning qui recommence en 6e.
La rentrée
La rentrée s’annonce étrange et nous avons choisi de couper véritablement en cette fin d’année. Une vraie rupture, coupure. Un isolement aussi car nous craignons une deuxième vague. Nos enfants ont besoin d’air, et nous de silence (sic!), de calme, de repos. Plus de devoirs à la maison, plus d’écran pendant quelques semaines. Une vraie déconnexion également. Nous reviendrons. Vite. Promis. Avec plein de projets déjà dans les cartons (enfin le disque dur en ce qui nous concerne). Mais pour le moment, vive les vacances (et pas apprenants, reposantes !).
Si vous êtes impatients, ces articles vous aideront à trouver l’inspiration nécessaire à la préparation de la rentrée.